A cause des Zones à Faibles Emissions (ZFE), je n’aurai bientôt plus le droit de conduire ma voiture. Pourquoi ?

  • RSE

    5 septembre 2022

ZFE- le cas de Laura et sa voiture

48 000, c’est le nombre de décès prématurés par an en France à cause de la pollution atmosphérique. Le trafic routier actuel dégrade indéniablement la qualité de l’air à cause des émissions de particules fines et de gaz à effet de serre, ce qui en fait le second secteur le plus émetteur de CO2 en France. Améliorer la qualité de l’air représente alors un enjeu vital pour notre santé et pour notre environnement… Mais à quel prix ?

Pour ma part, au prix d’une voiture. A partir du 1er janvier 2023, je n’aurai plus le droit de conduire mon véhicule dans plusieurs métropoles de France et ce, parce que j’ai une SEAT IBIZA de 2001 roulant au diesel. Elle émet sur son cycle de vie en moyenne 42 tonnes de CO2 contre 39 pour un véhicule à essence (1) et 4 fois plus de particules fines et d’oxydes d’azote (NOx). Ses émissions font d’elle une voiture plus polluante que la moyenne, c’est pour cette raison-là qu’elle ne sera plus autorisée à rouler dans les zones les plus vulnérables à la pollution atmosphérique. Ces zones s’appellent les Zones à Faibles Emissions (ZFE).

Origine du problème : la pollution atmosphérique

Comme la plupart des gens, je sais que je pollue en conduisant, mais je ne suis pas capable d’estimer à quel point. A la rigueur, si je suis un peu curieuse, je peux jeter un coup d’œil au plan de qualité de l’air pour voir à quel point la situation est critique… 

La qualité de l’air se définit par sa concentration en particules fines : PM2.5 et PM10 (a) et oxydes d’azote (NOx), celles-ci sont majoritairement émises lors de l’utilisation du diesel. Ces particules qui sont 20 fois plus petites que la taille du diamètre d’un cheveu, s’infiltrent en profondeur dans les voies respiratoires et provoquent des pathologies à long terme.

Pour améliorer la qualité de l’air et protéger les populations exposées, il est inévitable de réduire leurs émissions grâce à des mesures drastiques. C’est pourquoi des Zones à Faibles Emissions de mobilité (ZFE) ont été délimitées pour restreindre la circulation aux véhicules trop polluants. 10 agglomérations sont actuellement concernées par les ZFE. Il y en aura 35 d’ici 2025.

ZFE-carte de France

Les ZFE, jamais entendu parler de ça : qu’est-ce que c’est ?

La promulgation de la Loi de la Transition Energétique pour une Croissance Verte (LTECV) en 2015 propose aux collectivités plusieurs leviers pour lutter contre la pollution du trafic routier. Un des leviers : les Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air (ZAPA) rapidement remplacées dans le cadre du projet Loi Orientation des Mobilités (LOM) par les Zones à Circulation Restreinte (ZCR), puis renommées ZFE. L’objectif premier de la ZFE est de ne plus constater de dépassement de seuil de pollution de l’air dans une seule agglomération française pour 2022.

Les ZFE sont des « espaces mis en œuvre par les collectivités soumises au Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) où la circulation de certains véhicules est différenciée selon leur niveau de pollution» (2). 

Ce niveau de pollution du véhicule est déterminé par sa date de sortie et le carburant utilisé. Ce sont les collectivités territoriales qui fixent les modalités de restriction de la circulation. Le fonctionnement de la ZFE repose sur un système de vignette Crit’Air à coller sur le pare-brise. Elles classent le véhicule sur une échelle de 1 à 5 en fonction du niveau d’émissions de polluants atmosphériques (5 étant le niveau le plus polluant). Il existe certaines dérogations à ce système pour les véhicules de BTP, d’approvisionnement de marchés, pour le transport de matières dangereuses, etc. Le but étant d’évincer les véhicules les plus émissifs donc les véhicules diesel : cela représente environ 12 millions de véhicules.

ZFE à Toulouse

 

Si je comprends bien, sur le schéma délivré par la Métropole de Toulouse, il est indiqué que je n’aurai plus le droit de l’utiliser à partir du 1er janvier 2023 sous peine de sanction, car mon véhicule dépend de la vignette Crit’Air 4 (EURO 3) (b). La sanction correspond à une amende forfaitaire de 68€ et de 135€ pour les poids lourds. Même si les contrôles se font actuellement par la police et la gendarmerie, plus tard ce seront les radars qui vérifieront automatiquement les véhicules.

Quels bénéfices vais-je tirer des ZFE ?

Si je fais des efforts pour respecter la réglementation des ZFE et que je n’utilise plus ma voiture personnelle pour mes déplacements, j’aimerais connaître les avantages qui s’offrent à moi, voire même ce que la planète va en tirer. 

Les bénéfices sanitaires ont été démontrés : Une étude (3) a été réalisée sur les 230 «  low emissions zones  » existantes chez nos voisins européens depuis plus de 20 ans. Celle-ci a prouvé que la mise en place d’une ZFE induit une réduction de concentration des polluants : dioxyde d’azote (NOx) et de particules PM10 jusqu’à 12% et de particules PM2.5 jusqu’à 15%.

Par conséquent, la population proche des ZFE sera moins exposée à la pollution atmosphérique. Il y a donc une baisse du nombre de pathologies et symptômes : maladie cardiaque, asthme chez l’enfant, naissance de faible poids… Jusqu’à réduire le nombre de décès évitable de 5% (4) pour la ville de Paris.

Au fil des ans, les études (5) sur l’impact social des ZFE se multiplient sur des métropoles différentes. Toutes étant d’accord sur un point : une ZFE élargie profitera aux populations les plus défavorisées. A l’inverse, une ZFE au périmètre restreint sera plus bénéfique en termes d’amélioration de qualité de l’air, de réduction de décès et des cas d’asthmes aux catégories sociaux-professionnelles les plus élevées.

Qu’en est-il de l’environnement ? Réduire la circulation en voiture va permettre de réduire les émissions de CO2 et donc de ralentir les effets du réchauffement climatique. A une échelle locale la mise en place de ZFE permet de moins encombrer les routes, de mieux préserver la santé de la faune, et plus largement d’éviter une dégradation des écosystèmes et une baisse des rendements agricoles/forestiers… L’effet serait d’autant plus important si les collectivités investissaient dans des infrastructures pour aider au report modal des personnes ne pouvant plus conduire leur voiture.

Les collectivités et territoires prévoient d’ailleurs des avantages pour les détenteurs de véhicules les moins polluants avec une vignette Crit’Air. Notamment pouvoir bénéficier de tarifs de stationnement privilégiés, de voies réservées et évidemment le droit d’accès aux zones de circulation restreinte. En complément, les collectivités mobilisent un ensemble d’outils afin de faciliter : l’usage des transports collectifs, les mobilités moins émissives et partagées, et soutenir des plans en faveur de mobilités actives.

Alors que l’on dispose de trois ans pour réduire drastiquement nos émissions de GES, comment réussir à adapter mes habitudes à l’urgence « vitale » qu’est le réchauffement climatique ?

Que me propose l’Etat, les collectivités, voire même mon entreprise pour m’aider à me séparer de ma SEAT IBIZA ?

L’Etat, les collectivités et mon entreprise me proposent des solutions pour faciliter mon report modal : par des mesures locales d’accompagnement complétées par des mesures nationales d’incitations fiscales. Il est d’ailleurs indispensable de mettre en place des campagnes de communication pour sensibiliser au maximum les usagers et les acculturer au dispositif des ZFE.

Par exemple, ci-dessous l’ensemble des aides que me propose l’Etat et ma région pour faciliter ma transition de mobilité :

  1. Si je souhaite me procurer un véhicule peu émissif :  

ZFE-véhicule peu émissif

  1. Si je souhaite transformer ma SEAT en véhicule électrique, j’aurais droit à  :

ZFE - conversion électrique

  1. Si je souhaite remplacer ma voiture par un vélo :  

ZFE-voiture-vélo

Mon entreprise, du secteur privée ou secteur public, peut me proposer des mesures d’accompagnement pour adopter une mobilité plus « propre ». Par exemple, l’employeur est obligé de rembourser à hauteur de 50% des frais de déplacements des salariés qui viennent au travail en transports publics.

Si l’entreprise désire aller plus loin encore dans sa démarche de mobilité propre, elle peut réaliser un plan de mobilité. C’est un ensemble de mesures visant à optimiser les déplacements (professionnels et domicile-travail) de l’entreprise, réduire son trafic routier et converger vers des modes de déplacements moins polluants. Parmi ces mesures, on peut retrouver le forfait à mobilités durables depuis mai 2020, qui consiste à prendre en charge tout ou partie des frais de transports personnels entre le domicile et lieu de travail (vélo électrique, carburant, alimentation d’un véhicule électrique, hybrides rechargeables, etc.) jusqu’à 600€ par an.

Les outils de financement à la mobilité verte vont accompagner les particuliers et professionnels à la transition de leur véhicule thermique à l’électrique, mais aussi les pousser à un report modal moins polluant. Le report modal vers le vélo, les transports en commun, la marche est lui aussi facilité.

Bien que réduire le trafic routier soit bénéfique pour l’environnement et notre santé, tout le monde ne sera pas capable d’acheter une voiture électrique ou de se passer de voiture à l’horizon 2030 et cela peut poser certains problèmes.

Pourquoi ce dispositif pousse-t-il à la controverse ?

En tant que consomm’actrice et consultante en RSE, je suis prête à faire des efforts pour réduire mon impact sur la planète et respecter les directives de l’Etat. Cependant, je suis consciente que la situation puisse déplaire ou même qu’elle porte à confusion…  

La ZFE, en tant que mesure réglementaire d’interdiction nécessite une certaine acceptabilité sociale (6). Si les citoyens ou même les collectivités ne comprennent pas les fondements du système, la ZFE sera difficilement efficace. Plus le projet fera preuve de justice sociale et mieux il sera accepté. Il est vital pour l’efficacité de la ZFE que l’enjeu social soit pris en compte, en plus des enjeux environnementaux et sanitaires.

A titre d’exemple, la plupart des véhicules avec les vignettes Crit’Air les plus anciennes appartiennent aux ménages les plus précaires, qui n’ont pas les moyens de renouveler leurs véhicules et qui habitent dans les zones les plus excentrées, moins bien desservies par les transports publics.  Ces mesures réglementaires d’interdiction vont rendre l’accès difficile à l’emploi des populations plus modestes.

Camille Krier (7), cheffe de projet du cabinet 6t spécialisé dans la mobilité, soulève la question « du reste à charge » pour le ménage, une fois que les aides de financement ont été distribuées. Cette différence est parfois trop conséquente, les ménages les plus modestes ne peuvent pas se permettre d’investir 5 000€ dans une voiture électrique. D’après une étude de l’Institut CSA (8), 36% des automobilistes (impactés par les ZFE) n’ont pas les moyens de changer de véhicules. D’ici quelques années, l’accès aux villes sera limité aux plus aisés garantissant l’exclusion des populations plus modestes. De fait, les métropoles peinent à faire accepter socialement les ZFE aux citoyens.

D’ici 2025, les 3/4 des véhicules sur les routes seront interdits à la circulation, selon l’étude Eco-Entretien (8). Aujourd’hui trop peu de personnes connaissent le dispositif.  Selon une étude de Enterprise (9), 57% des conducteurs réguliers disent avoir déjà entendu parler des zones, mais seulement 28% d’entre eux savent de quoi il s’agit.

Au vu du faible nombre de personnes concernées par le dispositif, les métropoles trouvent des alternatives pour que les automobilistes comprennent l’intérêt des ZFE (10). La ville de Marseille souhaite appliquer une phase pédagogique tout comme Lyon qui ne verbalisent pas les automobilistes, mais font plutôt de la prévention au cas par cas. Plus original, la municipalité de Sainte-Foy-lès-Lyon, appartenant à une ZFE, a décidé de distribuer de fausses contraventions aux automobilistes de véhicule de Crit’Air 2, 3 et 4 dans le but de dénoncer le calendrier de la métropole de Lyon trop « précipité et punitif », selon elle.

De plus, les contrôles voiture par voiture sont chronophages et devraient être remplacés par la vidéoverbalisation. En réalité, l’Etat laisse aux collectivités la prise en charge des radars, ce qui retarde leur déploiement. En outre, le nombre trop faible de caméras ne permettra pas de contrôler tous les véhicules.

Si la qualité de l’air ne s’améliore pas, l’Etat français sera sanctionné par la Commission Européenne. Il a donc tout intérêt à trouver des solutions pour que les ZFE soient respectées. D’une part, en informant massivement et suffisamment tôt les citoyens. D’autre part, l’ADEME préconise, de mieux prendre en compte les enjeux sociaux dans l’élaboration de politique environnementale. C’est-à-dire de renforcer l’expertise des équipes d’évaluation des impacts sociaux et d’améliorer la connaissance des populations vulnérables.

Alors quelle conclusion devons-nous tirer des ZFE ?

Mais à quel prix devons-nous nous protéger ?  A 32 000€ ? Le coût d’une ZOE Renault neuve ! 26 000€, si l’on soustrait les aides de l’Etat et des collectivités.  Alors non, la voiture électrique ou même hybride n’est pas accessible par tous. En revanche, elle ne représente qu’une alternative à la mobilité propre. D’autres solutions existent et sont mises en place par la loi, votre collectivité, votre travail.

Si l’on ne veut pas que l’air devienne irrespirable et éviter la constitution de smogs (d), on a intérêt à repenser notre façon de se déplacer. Il est évident que l’Etat joue un rôle central dans l’évolution de notre mobilité : sans un engagement fort de l’Etat en termes de moyens et ressources, il sera plus difficile d’impulser un changement.

Par exemple, en sensibilisant sur la part des émissions de GES de nos déplacements en voiture, en investissant dans le déploiement du réseau des transports en commun (création de nouvelles lignes de bus/métro/tram, la gratuité des abonnements, rénovation de voies ferroviaires, multiplication du nombre de trains quotidien, réduction du nombre de vols internes…). On peut dire que la ZFE représente un levier de justice environnementale, mais risque d’accroître les inégalités sociales déjà (trop) présentes dans notre société.

Quant à moi, mon cœur sera lourd de quitter ma vieille voiture familiale, mais je serai d’autant plus fière de moi quand j’aurai investi dans un « Pass Tisséo » et dans un vélo pour réaliser mes déplacements domicile-travail et extra-professionnels.  

 

Notes

(a) PM10 (« Particulate Matter ») et PM2.5 sont des particules en suspension avec un diamètre respectivement inférieur à 10 µm et 2,5 µm.

(b) La norme EURO a été mise en place par les autorités européennes pour classer les véhicules selon leur niveau de pollution avec des sanctions.
EURO 3 correspond aux véhicules dont la première immatriculation est comprise entre le 1er janvier 2001 et le 1er janvier 2006.

(c) En avril 2022 le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat (GIEC) a sorti le 3ème volet du 6ème rapport portant sur les solutions envisageables pour l’atténuation du changement climatique : https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/.

(d) Un smog est un nuage de pollution atmosphérique constitué de particules fines et d’ozone (Futura-Sciences).

Bibliographie 

(1) Poliscanova, Julia. Diesel the true dirty story s.l. : Transport & Environnement, 2017.

(2) FURMANEK, Nicolas. Zones à Faible Emission (ZFE) : de quoi parle-t-on exactement ? Cerema . [En ligne] 8 Août 2019. 

(3) POUPONNEAU, M., FORESTIER, B. et CAPE, F. Les zones à faibles émissions (Low Emission Zones) à travers l’Europe : déploiement, retours d’expériences, évaluation d’impacts et efficacité du système. s.l. : ADEME, 2020.

(4) HOST, Sabine, et al. Bénéfices sanitaires attendus d’une zone à faibles émissions . Paris : s.n., 2018.

(5) ALBA, Dominique et PELLOUX, Patricia. Synthèse des études sur les impacts sanitaires, sociaux et économiques. Paris : APUR, 2021.

(6) ZAMBLERA, MAILYS et MAGRI , Stephane.Comment prendre en compte l’impact social des ZFE ? .  242, s.l. : CEREMA, 2019.

(7) KRIER, Camille. Parigo : ZFE, le grand enfumage ? . France TV, Paris : Parigo, 12 mai 2022.

(8) DIOT, Etienne et GAZUT, Aurélie. Baromètre des Zones à Faibles Emissions. s.l. : CSA & Association Eco Entretien , 2022.

(9) Enterprise. Les Français et les ZFE, où en sommes-nous ?. s.l. : Opinion Way, 2022.

(10) SARBORARIA, Julien. ZFE : risquez-vous vraiment une amende ? Capital. [En ligne] 5 mai 2022.  

Ressources : photo @Scalian

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