La méthode Lean ou l’amélioration continue en entreprise a révolutionné le monde industriel. Plus ou moins bien abordé, le terme, pour certains, rebute. Et si je vous démontrais que finalement ce n’est pas un gros méchant mot ?
Pour ceux qui n’auraient pas lu mon article précédent, voici une manière différente d’aborder cette méthode.
Qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer… le Lean !?
Par culture familiale (nombre de fois où j’ai entendu mes grands-parents et mon père me dire : “Thierry range tes affaires !”), j’ai toujours eu le besoin de ranger mes affaires. Pendant 5 minutes. Puis le naturel revenait au galop. Rien n’y faisait. Je pouvais passer des heures à essayer de trouver un jouet mais impossible de me mettre en tête qu’il fallait quand même s’organiser un tant soit peu. Résultat : je passais tout le temps dévolu au jeu à finalement rechercher le jouet initialement convoité avec, à la clef, le sempiternel “Thierry range tes affaires”. Je n’avais pas joué mais j’avais eu le sermon. On ne peut pas tout avoir.
C’est ainsi que je me suis retrouvé dans la vie active. Je n’avais pas évolué d’un iota mais au lieu de chercher le jouet, je cherchais les clefs de voiture et je passais des heures au carré à chasser cette fichue moitié de paire de chaussettes (car bien sûr, en plus d’être désordonné, j’étais têtu et c’est justement cette paire que je voulais et pas une autre). Devant mon obstination à rester sur un mode de rangement s’apparentant davantage à ce qu’on peut trouver sur un champ de bataille que sur un terrain de golf, il a fallu que je trouve une petite aide. A l’époque, le Lean commençait à entrer dans les industries et à force d’en vanter les mérites pour mettre en place les diverses méthodes, je me suis posé la question suivante : “Et si je me mettais à appliquer les principes Lean chez moi ? Qu’est-ce que j’y gagnerais ? Si c’est bon pour mon entreprise, est-ce que c’est bon pour moi aussi ?”
Au début j’ai pris cela comme un jeu puis, après un peu de pratique, en fait, il n’y a pas de différence entre les principes mis en place en entreprise et ceux qu’on peut appliquer chez soi. On range les outils, on range les habits. On range les affaires de bureau, on range les courses. Petit à petit, comme en entreprise, on change soi-même ses habitudes.
Voici quelques exemples ou quelques parallèles entre les outils Lean déployés en entreprise et ce que nous faisons plus ou moins facilement ou intuitivement chez nous.
Soit ça peut aider à la mise en pratique chez soi, soit ça peut aider sur la compréhension des outils lorsqu’on veut les mettre en pratique dans l’entreprise. Vice-versa, réciproquement et inversement !
Le SMED (Single minute exchange dies ou changement rapide d’outil) : un bon outil pour les urgences
Les couches à portée de main : pratique la nuit quand les enfants se réveillent en pleurant ! (Vous ai-je déjà dit que j’avais des jumeaux ?) Avec les couches d’un côté et les bibis de l’autre, le tout prêt à l’emploi ça facilite bien les choses à 4 heures du matin.
Les pots pour dentifrice, brosses à dents et peignes dûment identifiés : (ne pas réfléchir le matin en se levant c’est cool) tout reste à la même place et on voit facilement ce qui manque ou ce qui est à renouveler.
La boîte à pharmacie facilement accessible pour les petits bobos dans le hall d’entrée ou dans la cuisine et le restant dans la salle de bain un peu moins facile d’accès. Sans oublier de faire un état de stock régulièrement.
Les chaussures sont rangées à côté de la porte d’entrée afin d’éviter de salir tout l’appartement. De plus, les chaussures d’hiver sont rarement positionnées à l’avant de la commode en été car peu utilisées à cette période de l’année. Nous sommes ainsi à mi-chemin entre le SMED et l’ergonomie de poste.
Justement, l’ergonomie de poste…
Je me suis surpris à monter les bols d’une étagère pour ne plus avoir à me baisser trop le matin pour les prendre (à mon âge, on a le dos fragile, surtout le matin…). Idem pour les ustensiles à utilisation fréquente comme les couverts, spatules et autres économes, tous facilement accessibles sans effort.
Pour les principes de sécurité, comme en entreprise, dès l’installation d’un meuble ou d’une commode, on pense à la hauteur de la tête du petit dernier. On protège même les coins de tables avec de la mousse et du scotch. Certes, le côté esthétique y perd un peu. Mais il m’a sauvé de quelques allers-retours aux urgences lorsqu’il se cogne la tête justement sur le coin de la table nouvellement rembourré. Les épices les plus utilisées, en général le sel et le poivre, sont à proximité immédiate en ayant une vue aisée sur le niveau des contenants. Ce qui nous amène gentiment à….
Vive le Kanban !
Les habits des enfants les plus courts (la taille est juste, mais ça peut le faire encore 2 mois) sont devant. Les autres sont derrière et donc plus difficiles d’accès. Les plus courts auront tendance à être usés en premier et laisseront naturellement la place aux autres. Au fil du temps, on achète les habits en avance et on profite des achats durant les saisons où ils sont les moins chers. Les chaussettes dans leurs casiers spécifiques, les sous-vêtements dans un autre.
Dans la cuisine, les yaourts nouvellement achetés sont rangés derrière les autres (Fini les yaourts périmés depuis 3 semaines ! Bon ok, ça nourrit le chien, mais les croquettes restent moins chères au kilo quand même !).
Acheter les carottes par lot de 2 kg, les éplucher et les couper en rondelle pour les mettre en sachet de 500 g dans le congélateur permet de faire gagner pas mal de temps dans la préparation des repas et, dès qu’il ne reste plus qu’un sachet, on repart en acheter 2 kg pour refaire le plein.
Ayant de moins en moins de temps à consacrer à la cuisine, nous faisons de plus en plus de “batch cooking” (la préparation d’un seul coup de différents plats pour les jours suivants). Vous avez le plat du lundi pour le lundi et ainsi de suite jusqu’au vendredi laissant donc le samedi et le dimanche pour préparer les plats de la semaine suivante. Dommage pour les week-ends, mais vous avez un gros gain de temps pendant la semaine, car il n’y a plus à réfléchir pour savoir quoi faire lorsqu’arrivé à 19h à la maison avec les enfants vous vous dîtes : « on mange quoi ce soir ? »
Le 5S : chaque chose à sa place et chaque place a sa chose
Le désordre et la saleté appelant désordre et saleté, j’ai repeint ma buanderie. Idem pour mon garage et mon débarras qui dorénavant, repeints et isolés, deviennent naturellement mieux rangés y compris par les enfants. Bien sûr, en termes de rangement, les CD par ordre alphabétique afin d’éviter de chercher tel ou tel artiste de variété.
Pour les chambres et autres salles de jeux, les brocantes et les dons aux associations diverses et variées sont aussi de bonnes opportunités pour se débarrasser de ce dont on ne veut ou ne se sert plus. Cela apprend aussi aux enfants, de façon ludique, à partager. Ce qui n’a rien à faire dans une zone doit être déplacé (et rangé) ou donné/vendu. Il est tout de même plus simple de passer aspirateur et serpillère dans une pièce rangée et libre de tout objet traînant au sol. Reste à maintenir en l’état en demandant à tous les habitants de la maison de s’impliquer au jour le jour. Et dès le plus jeune âge ! De même, plus on a d’endroits où stocker, plus on stocke. Donc pour épurer son intérieur, rien de mieux que de supprimer les armoires non indispensables où des objets qui seront utiles ‘un jour’ prennent la poussière depuis des années.
C’est bien gentil tout ça, mais comment adaptez- vous les AIC* dans le domaine privé ?
Préserver un bon équilibre familial, c’est comme préserver un bon équilibre social au sein d’un service, il est nécessaire d’avoir des moments d’échange entre les membres de l’équipe, de la famille dans le cas présent. On appelle cela AIC (*Animation à Intervalle Court) dans l’entreprise. Chez soi, on appelle cela le dîner et/ou le petit-déjeuner. Bien dormi ? Quel est le programme aujourd’hui ? Comment s’est passée la journée ? Est-ce que tu as pris rendez-vous pour le petit chez le pédiatre ? Il va y en avoir pour combien chez le garagiste ? Bien sûr, sans avoir la télévision allumée, ce sont des moments de pause dans la journée ou tout le monde se retrouve autour du tableau, pardon, autour de la table ! On le fait tous déjà non ?
En résumé
Comme vous pouvez vous en rendre compte au travers de ces diverses situations cocasses, mais non moins courantes de la vie quotidienne, nous-mêmes, bien souvent et sans le savoir, à l’instar de Monsieur Jourdain, nous adoptons les méthodologies Lean au jour le jour à la maison. C’est peut-être un bon parallèle à faire pour le mettre en pratique au sein d’un service ou d’une entreprise afin de faciliter la vie en communauté et/ou la productivité en fonction du secteur d’activité.
Bien souvent décrié car mal approché dans les entreprises, le mot “Lean” fait peur et effraie. Ce n’est pas chouette mais abordé de cette manière, ne faut-il pas plutôt en sourire et se dire que, finalement, il n’y a rien de bien méchant ?