Déforestation dans les chaînes d’approvisionnement : ce que le nouveau règlement européen va changer

  • Experts

    20 octobre 2023

Les gourmands devraient pouvoir se poser moins de questions au rayon pâte à tartiner des supermarchés. Avec ce nouveau règlement, entré en vigueur le 29 juin 2023, l’Union Européenne ambitionne de limiter sa part dans la déforestation, et ainsi lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité à l’échelle mondiale. Pour ce faire, cette loi, qui s’applique directement dans tous les Etats membres de l’UE, vient obliger certaines entreprises à s’assurer que les produits qu’elles exportent ou qu’elles placent sur le marché interne ne sont pas liés à des actions de déforestation.

Quel est l’enjeux derrière cette nouvelle règlementation ?

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 10% des forêts, soit une superficie plus vaste que l’Union Européenne, ont disparu dans le monde entre 1990 et 2020. Une tendance qui se poursuit actuellement et impacte substantiellement l’état de la biodiversité, mais aussi le climat et les sociétés humaines très dépendantes des services rendus par la nature (principales conséquences ci-après). 

Les activités humaines, dont l’agriculture à 80%, sont en majeur partie responsables de ce phénomène. La consommation dans l’UE de certains produits de base, qu’ils soient produits sur son sol ou importés, est responsable d’environ 10 % des pertes de forêts. C’est face à ce constat, et afin de respecter les engagements pris au titre de son Green Deal, de sa Loi sur le Climat et de l’Accord de Paris que l’UE a souhaité se doter d’un nouvel instrument de lutte contre la déforestation importée et domestique.  Ces engagements étant de réduire de 55% ses émissions d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, afin de contribuer aux efforts de limitation de la température moyenne de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.


Les principales conséquences de la déforestation : 

Perte de biodiversité : Les forêts sont l’habitat de la majeur partie de la faune et la flore terrestre, leur réduction menace ainsi l’existence de ces espèces et l’équilibre des écosystèmes, ce qui impacte par la suite les sociétés humaines très dépendantes des services et biens fournis par la nature comme l’alimentation, les fibres textiles et les composés pharmaceutiques. Cela a notamment des conséquences importantes sur les moyens de subsistance des personnes les plus vulnérables, notamment les populations autochtones et communautés locales fortement dépendantes des écosystèmes forestiers.

Changement climatique : la déforestation est responsable à elle seule de 11% des émission de gaz à effet de serre selon le Groupe d’experts international sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport spécial sur le changement climatique et les terres immergées de 2019, et dans le même temps, les arbres étant des puits de carbone naturels, c’est aussi moins de CO2 qui peut être absorbé lorsque leur nombre diminue. 

Catastrophes naturelles : le sol des forêts est riche et plus résistant aux intempéries ou à l’érosion, sa fragilisation le rend plus vulnérable aux inondations ou glissements de terrains. 


 

Quelles entreprises et quels produits sont concernés ?

Bœuf, cacao, café, huile de palme, caoutchouc, soja et bois: voici les 7 grandes familles de produits auxquelles vont s’appliquer les nouvelles règles. Sont concernées les matières premières ainsi que leurs produits dérivés, à la fois mis sur le marché européens et exportés en dehors de l’Union par les entreprises européennes.

Concernant le type d’entreprises, il s’agit surtout des opératrices de toute taille, soit celles qui exportent ces produits à l’étranger ou les placent pour la première fois sur le marché de l’UE, soit parce qu’elles les importent, soit parce qu’elles les produisent. Sont également concernées par ces obligations les entreprises commerçantes non PME, soit celles qui vendent ces produits déjà placé sur le marché par une entreprise opératrice.

Concrètement, quelles obligations les entreprises devront-elles mettre en œuvre et quel est le calendrier ?

A partir du 30 décembre 2024, les entreprises soumises au règlement devront avoir en place un système de vigilance en place et attester dans une déclaration que les produits qu’elles souhaitent mettre sur le marché européen ou exporter ont fait l’objet de mesures de traçabilité et d’analyse de risque permettant de conclure qu’ils :

  • Ne sont pas liés à des actions de déforestation réalisées à partir du 31 décembre 2020,
  • Ont été produits conformément à la législation pertinente du pays de production.

Par cette déclaration préalable, l’entreprise n’entrera pas dans un processus d’autorisation, mais assume la responsabilité de la conformité des produits.

Les obligations de vigilance à la loupe : 

Conformité : quelles implications ?

La lutte contre la déforestation est un enjeux qui prend de l’ampleur, faisant fleurir en Europe de plus en plus d’obligations légales en la matière à l’intention du business. Les règlementations sur le devoir de vigilance et le reporting, plus généralement, deviennent un mille-feuille dense qui touche de plus en plus d’entreprises, petites et moyennes comprises.

Identifier et se conformer à ces nouvelles exigences peut se présenter comme un exercice complexe, néanmoins la non-conformité peut s’avérer coûteuse : ici le non-respect du règlement sur la déforestation peut être sanctionné d’une amende s’élevant à plus de 4% du chiffre d’affaires, d’une confiscation des produits en cause et des revenus tirés, et de manière temporaire, d’une interdiction de mise sur marché et d’une exclusion des appels d’offres et financements publics. Les risques réputationnels sont également importants, puisque l’on voit aujourd’hui des scandales sociaux ou environnementaux impacter négativement la valorisation boursière des entreprises.

A l’inverse, une connaissance et une gestion accrue des chaînes de valeur peut offrir aux entreprises des avantages stratégiques, par exemple en termes d’anticipation des disruptions, ou encore d’accès au financement grâce à une meilleure notation ESG. Enfin, et surtout, c’est la nature qui devrait en sortir préservée.

Que pensez-vous de cette initiative ? Pensez-vous que ce règlement puisse impacter positivement la situation des forêts dans le monde ? Faites-nous part de votre opinion en commentaire !

Scalian vous accompagne dans votre mise en conformité au regard des diverses obligations légales de vigilance sociale et environnementale et de reporting : contactez Ségolène Cren

 

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