Révolution forestière : Quand l’IA et les drones se rencontrent pour transformer l’industrie forestière

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    30 août 2023

Vue de la forêt des Landes derrière la dune du Pila

La forêt des Landes, principalement composée de pins maritimes, est la plus grande forêt plantée d’Europe. Cette immense étendue joue un rôle prépondérant dans l’industrie forestière, ayant une immense valeur économique, écologique et patrimoniale.

Mais comment peut-on raisonnablement mesurer cette valeur ? Quelles sont les pratiques actuelles ? Est-ce que les technologies émergentes comme les drones, la navigation autonome et l’IA pourraient nous aider ? Je vous propose d’essayer de répondre à ces questions via une série d’articles. Ils relatent un projet commencé en 2022 et qui se termine en 2025 dans le cadre de ma thèse réalisée au sein du laboratoire I2M en partenariat avec Scalian dans la région Bordelaise.

Valorisation d’une parcelle de pins maritimes

Plusieurs acteurs majeurs composent l’industrie forestière des Landes, allant des propriétaires fonciers aux acheteurs en passant par les professionnels du secteur. La valorisation d’un hectare de pins maritimes dépend donc d’une collaboration étroite et d’une entente entre l’acheteur et le vendeur.

Comment garantir le prix le plus juste entre une scierie, l’acheteur et le propriétaire vendeur ?
Pour comprendre cela, il faut noter que la quantité de bois mais également la qualité de bois influe très largement sur la valeur de vente du produit transformé par une scierie pouvant aller du simple au *10 entre du bois de « chauffe » et du bois de « menuiserie ».

Comment évalue-t-on ce volume ?
Pour évaluer « manuellement » la volumétrie d’une forêt, un indicateur fréquemment utilisé est le diamètre à hauteur de poitrine (DHP), qui mesure le diamètre d’un arbre, permettant ainsi une première estimation de son volume. Une approche alternative, certes plus précise mais plus coûteuse en temps et en ressources, implique l’emploi du TLS (Lidar terrestre).
Illustration de deux approches pour utiliser un Lidar : une approche aérienne avec un point de vue NADIR et une utilisation au sol par un TLS

Illustration de deux approches pour utiliser un Lidar (@Treemetrics) : une approche aérienne avec un point de vue NADIR et une utilisation au sol par un TLS

Cette technologie génère un nuage de points, qui, grâce à des logiciels tels que Compute Tree, se transforme en une structure 3D, permettant alors de mesurer avec précision le volume de bois à l’échelle individuelle.

Pourrait-on bénéficier de la miniaturisation récente des capteurs et de la mobilité du drone pour avoir une approche hybride, plus précise qu’une mesure DHP, mais également plus rapide à effectuer qu’une mesure TLS à l’échelle d’une parcelle entière ?

Le potentiel révolutionnaire du drone

L’originalité de ce projet consiste à faire naviguer un drone sous couvert forestier, c’est-à-dire entre les arbres, pour avoir des mesures les plus précises possibles.

Faire naviguer un drone en forêt, est-ce bien raisonnable ?
Pour une forêt primaire (non plantée) la réponse est probablement non, ou en tout cas, pas pour des drones d’une envergure approchant 1 mètre. Notre environnement de test est ici plus simple, pour comprendre cela, il est important d’avoir en tête le cycle de vie d’une forêt plantée de pins.

Le cycle de vie de cette forêt est ponctué par des étapes clés comme les éclaircies et l’élagage. Il garantit la santé, la croissance, la productivité et une diminution des nœuds présents dans ces arbres. Ces deux étapes permettent d’éliminer les arbres les moins vigoureux pour favoriser une meilleure croissance. Dans notre projet, l’avantage principal est que ces étapes permettent de dégager la zone et de permettre une navigation de drone. Exemple d'une parcelle de la forêt des Landes après une éclaircie

Exemple de forêt après une éclaircie 

La technologie drone, lorsqu’elle est équipée d’un capteur Lidar, pourrait offrir une alternative à la mesure traditionnelle. Grâce à sa mobilité, le drone permet une collecte facilitée et rapide de nuages de points, couvrant l’intégralité de la parcelle étudiée. Un capteur Lidar 3D permet d’enregistrer une liste de points définis par des coordonnées X, Y, Z associée à un “timestamp” dont le référentiel est la position du capteur au moment de l’enregistrement. Exemple de nuages de points collectés par un Lidar

Exemple de nuages de points collectés par un Lidar

Il faut donc pouvoir pour rassembler ces points acquis à différents « timestamp » et donc différentes positions puisque le drone sera en mouvement. Il est donc crucial de connaître avec précision la trajectoire et l’orientation du drone. L’usage d’un GPS n’est pas suffisant sous couverts forestiers. C’est ici que la technique du SLAM (Simultaneous Localization And Mapping) intervient.

La technique de SLAM décryptée

Le SLAM est une méthode permettant à un robot ou un drone de cartographier un environnement inconnu tout en se localisant lui-même dans ce dernier. Une approche contemporaine du SLAM vise à représenter le problème sous forme de graphe, ou les nœuds du graphe sont les positions successives du drone ainsi que les différents points de repères détectés. Schématisation du graphe utilisé par le SLAM

Schématisation du graphe utilisé par le SLAM

Pour faciliter l’implémentation de la réponse à ce problème, on divise l’architecture logicielle en deux blocs principaux : le front-end et le back-end. Le front-end s’occupe de traiter les données brutes issues des capteurs pour générer un graphe, c’est-à-dire estimer la position du drone et les points de repères qu’il faudra identifier et ré-identifier, tandis que le back-end optimise ce graphe, garantissant la précision de la localisation.

Un des challenges du SLAM dans ce contexte est de combiner à la fois la collecte de données précises sur la forêt tout en garantissant une localisation fiable du drone. Le Lidar dans sa version embarquable, dispose d’un champ de vision sur un axe de 15° et sur son axe perpendiculaire de 360°. Il ne peut assurer ces deux tâches simultanément puisque nous souhaitons obtenir des informations sur l’ensemble de la hauteur de l’arbre. Il faudra alors intégrer un autre capteur : la caméra stéréoscopique. Dans ce système, le Lidar se concentre sur la collecte de données pour générer un nuage de points, tandis que la caméra stéréoscopique prend le relais pour la navigation et le SLAM.

En conclusion

Ce projet, toujours en cours de développement, marque une étape prometteuse dans la modernisation de la valorisation forestière. Une série d’articles sera prochainement publiée, abordant en détail différents aspects de cette recherche, allant de la collecte de données au prototypage, en passant par les innovations qui y sont associées. Une avancée qui ouvre la porte à une meilleure compréhension et une meilleure gestion de nos précieuses forêts.

 

Sources iconographiques : photo de couverture @shutterstock

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